Comme c'est un article qui est très consulté sur mon autre blog (que je n'ai plus le temps d'alimenter) et qu'il concerne la non-violence éducative, je me suis dit qu'il pourrait intéresser les mamans (et les papas!) qui passent par ici. Je le reproduis donc à l'identique. Attention, c'est long :
Les parents qui décident
d'éduquer leurs enfants "autrement" (j'ai un peu de mal avec ce mot car
il sous-entend une norme qui me met à l'aise et contre laquelle
justement il faut se battre) ces parents donc, qui préfèrent
"accompagner" plutôt qu' "éduquer" ont dans leur bibliothèque quelques
livres en commun. Quel que soit le site ou le blog qui parle de cet
accompagnement, quatre, cinq livres reviennent toujours.
Il y a l'incontournable "Au coeur des émotions de l'enfant" d'Isabelle Filliozat ou encore "Élever son enfant autrement" de Catherine Dumonteil-Kremer ; on trouve aussi les livres d'Adele Faber et Elaine Mazlish ("Parler pour que...") et "Parents efficaces" de Thomas Gordon. C'est de ce dernier que je voudrais parler ici.
Même si le livre date un peu (les années 70) et que cela se ressent quand il parle de "l'actualité", le Docteur Thomas Gordon expose ici une méthode intemporelle qui est toujours enseignée sous forme d'ateliers de nos jours. Il est d'ailleurs intéressant d'aller faire un petit tour sur le site Internet de ces ateliers pour se faire une première idée de la méthode. Car il s'agit bien d'une méthode, que Thomas Gordon présente lui-même comme telle et qui est très bien résumée dans cette petite phrase tirée du livre : "Cette alternative, c'est la méthode 'sans perdant' pour résoudre les conflits, celle où personne ne perd."
Car trop souvent dans les relations avec les autres, et ici dans nos
relations avec les enfants, tous les conflits se terminent avec un
perdant : parfois le parent (quand il "cède") souvent l'enfant (quand il
doit "obéir" et faire ce qu'on lui dit). Le Docteur Gordon propose donc
une alternative à ce rapport "gagnant-perdant", alternative qu'il
appelle la Troisième Méthode.
Le livre comporte seize chapitres, plus une annexe qui regroupe des exercices et une Liste des effets des façons typiques dont les parents répondent aux enfants
où tout parent se retrouvera forcément (au moins une fois dans une
catégorie) et qu'il est bon de relire régulièrement. On trouve aussi une
bibliographie, mais un peu "vieillotte".
Être parent, mais pas que...
Les deux premiers chapitres, à mon sens, servent essentiellement à déculpabiliser les parents : nous "recevons des blâmes mais peu de formation" et nous "sommes des personnes et non des dieux."
Autrement dit, rien n'est plus difficile que d'être parents, d'autant
plus que nous n'avons pas de mode d'emploi (si ce n'est reproduire les
schémas qui ont accompagné notre enfance) et il ne faut pas oublier
qu'avant d'être parent, nous étions des personnes, et que cette identité
ne doit pas disparaître.
Nous ne devons pas nous enfermer dans ce rôle parental, nous ne devons pas oublier que nous sommes des humains -imparfaits- avant tout !!
Les messages
Dès le troisième chapitre, on entre dans le vif du sujet : "Comment écouter pour que vos enfants vous parlent". Pour celles et ceux qui ont commencé par lire les livres de Faber et Mazlish,
les chapitres 3 à 6 n'apporteront pas grand-chose de nouveau mais
restent tout de même intéressants (et indispensables) à lire.
Le chapitre 7 présente le fameux "Message-Je". Résumé très, très
simplement, cela donne : préférez dire "Je" plutôt que "Tu". Exemple
(tiré du livre) : un enfant frappe son parent.
- message-je : "Aie ! Ça me fait vraiment mal ! Je n'aime pas qu'on me donne des coups de pieds."
- message-tu : "C'est très méchant de ta part. Ne frappe plus jamais personne de cette façon."
Je cite : "Le premier
message dit simplement à l'enfant de quelle façon son coup de pied vous a
affecté, un fait qu'il peut difficilement refuser. Le second dit à
l'enfant qu'il a été "méchant" et l'avertit de ne plus le faire, deux
affirmations qu'il peut sûrement discuter et auxquelles il résistera
probablement avec vigueur."
L'utilisation des "messages-je" est peut-être ce que je trouve le plus
difficile ; cela demande beaucoup de patience (car il est toujours plus
simple d'accuser, de blâmer, que d'expliquer ce que l'on ressent) de la
constance, et surtout de la vigilance. De la vigilance car c'est
affolant de voir à quel point on utilise les mauvais messages. En
voici la liste...et si un parent ne se retrouve dans absolument aucune
des réponses que l'on donne la plupart du temps à nos enfants, qu'il me
contacte car je veux son secret :-)
- Donner des ordres, diriger, commander (ex : Va te chercher un jeu ! Va dans ta chambre ! Nettoie-ça tout de suite !)
- Avertir, mettre en garde, menacer (ex : Si tu n'arrêtes pas je vais te punir. Si tu recommences, tu n'y touches plus.)
- Moraliser, prêcher, faire la leçon (ex : Tu ne devrais pas t'exciter quand maman est occupée. Tu dois toujours respecter tes professeurs.)
- Conseiller, donner des solutions (ex : Pourquoi ne vas-tu pas jouer dehors ? Pourrais-tu remettre les choses à leur place ?)
- Juger, critiquer, blâmer (ex : Tu devrais pourtant le savoir ! Tu es insupportable.)
- Ridiculiser, faire honte (ex : Tu n'es qu'un enfant gâté. Tu devrais avoir honte !)
- Interpréter, psychanalyser (ex : Tu cherches seulement à attirer l'attention. Tu fais tout pour m'exaspérer et voir jusqu'à quel point tu peux me pousser à bout.)
- Argumenter, persuader par la logique (ex : Ce n'est pas poli d'interrompre quelqu'un. Ne fais pas aux autres ce que tu ne veux pas que l'on te fasse.)
Alors...vous comprenez
pourquoi je vous parlais de "vigilance". Ce sont effectivement ces
réponses (messages) que nous avons tendance à donner à nos enfants, en
ne pensant pas à mal d'ailleurs (surtout lorsqu'il s'agit de conseils ou
d'arguments). Pourtant ces messages ne sont pas efficaces (pour plus de
détails, se reporter à la fameuse Liste des effets des façons typiques dont les parents répondent aux enfants
à la fin du livre). Il faut donc faire un vrai travail sur soi pour se
défaire de ces automatismes et apprendre à utiliser les "messages-je".
Pour cela le livre est vraiment formidable et regorge d'exemples concrets. Une fois que l'on a pris l'habitude d'utiliser les "messages-je", il est inconcevable de revenir aux anciennes réponses. Et si par malheur elles nous échappent, ne pas oublier de relire les premiers chapitres : nous ne pouvons pas être parfaits, tout le temps, en toute circonstance !
Pour cela le livre est vraiment formidable et regorge d'exemples concrets. Une fois que l'on a pris l'habitude d'utiliser les "messages-je", il est inconcevable de revenir aux anciennes réponses. Et si par malheur elles nous échappent, ne pas oublier de relire les premiers chapitres : nous ne pouvons pas être parfaits, tout le temps, en toute circonstance !
Dr. Thomas Gordon
Le chapitre 8 n'est pas le plus intéressant. Il a pour titre : "Changer un comportement inacceptable en changeant l'environnement".
Pour tous ceux qui s'intéressent, de près ou de loin, à la pédagogie
Montessori, ce chapitre n'apporte vraiment rien. Il n'est pas inutile de
le lire, mais j'avoue ne l'avoir que survolé tant tout cela n'est
qu'évidences...
Les conflits et l'autorité
Le chapitre 9 pose une question essentielle : en cas de conflit, qui devrait gagner ? Et le chapitre 10 n'est qu'une suite logique : le pouvoir des parents est-il une nécessité ou une justification ?
J'ai l'habitude de lire ce genre de livre avec un stylo et un carnet où
je note les points essentiels, les choses à ne surtout pas oublier,
quelques exemples concrets...A la lecture de ces deux chapitres, j'ai
vite abandonné mon carnet tant tout me semblait important ! Le chapitre
sur le pouvoir des parents est une vraie remise en question de ce dit
pouvoir et devrait être lu par tous les parents. Certains sont déjà
d'accord, d'autres se questionneront, d'autres encore trouveront que
cela n'est qu'inepties et ne se remettront jamais en question. Ce sont
deux chapitres qu'il faut impérativement lire, car ils sont les
fondements de la philosophie de Thomas Gordon. Même si rien ne remplace
une lecture complète, voici les points essentiels :
A propos des conflits
- les conflits ne sont pas forcément mauvais ; ils peuvent amener les gens à se séparer, mais aussi à se rapprocher. A détruire ou à unifier.
- c'est la façon dont on règle le conflit qui est important ! ("Le facteur le plus important de toute relation, c'est la façon dont on règle les conflits, et non le nombre de conflits qui se produisent. Je suis maintenant convaincu que c'est là le facteur le plus important pour déterminer si une relation est saine ou malsaine, mutuellement satisfaisante ou insatisfaisante, amicale ou hostile, profonde ou superficielle, chaleureuse ou indifférente." - Thomas Gordon)
- la relation avec un enfant n'est pas une lutte de pouvoir ; il ne doit pas y avoir un perdant et un gagnant.
- les parents ont une plus grande "taille psychologique" mais cela ne devrait pas sous-entendre "un plus grand pouvoir"
- le système "récompense-punition", en plus d'avoir des effets déplorables, ne peut pas marcher éternellement et exige des conditions strictes (qui s'apparentent à du dressage)
- le pouvoir des parents fait adopter à l'enfant des mécanismes d'adaptation aux effets négatifs (pour ne pas dire désastreux). Il y en a une ribambelle...en voici quelques-uns : défi, révolte, rancune, colère, agressivité, vengeance, mensonge, dissimulation des sentiments, délation, tricherie, brutalité, besoin de toujours gagner, organisation contre les parents, soumission, servilité, courtisanerie, conformisme, peur d'essayer de nouvelles choses, manque de confiance en soi, rêverie, régression...et j'en passe !
Tous ces mécanismes d'adaptation sont très bien expliqués (sur 10 pages) et amènent à poser un regard nouveau sur nos enfants, sur les enfants, et sur ce que devient l'humanité en générale ! A lire, à relire, et à lire encore !!
Gagnant-gagnant
Les trois chapitres suivants (11, 12, 13) contiennent la deuxième
grosse partie du livre (après l'écoute active et les "messages-je") à
savoir : la méthode sans perdant.
Puisque la relation avec notre enfant n'est pas une lutte de pouvoir,
il n'y a aucune raison ni justification à ce que chaque conflit accouche
d'un gagnant et d'un perdant. La méthode "sans perdant", la méthode
"gagnant-gagnant" c'est : trouver une solution qui convienne aux deux parties.
Après avoir exposé la méthode et les préoccupations et craintes que
peuvent éprouver les parents face à cette nouvelle méthode, Thomas
Gordon nous explique comment faire pour l'appliquer. Encore une fois,
rien ne remplace la lecture de ce livre (ne serait-ce que pour les
exemples concrets d'application), voici tout de même un petit résumé. Les six étapes importantes pour parvenir à une solution sans perdant :
- Identifier et définir le conflit : choisir un moment où l'enfant est réceptif et à le temps afin de lui dire directement et brièvement qu'il y a un problème à résoudre. Ici l'utilisation des "messages-je" est primordiale (surtout pas de "messages-tu" !) Établir aussi clairement que vous tenez à ce que l'enfant participe à la recherche d'une solution afin que vous y trouviez tous les deux votre compte.
- Énumérer les solutions possibles : commencer par dire "Quelles sont les choses que nous pourrions faire ?" puis laisser l'enfant donner des suggestions. Ne pas évaluer, ni juger, ni minimiser les solutions proposées et éviter les commentaires. L'important ici c'est l'écoute active.
- Évaluer les solutions énumérées : dire une phrase du type "Voyons tout d'abord lesquelles de ces solutions semblent les meilleures." Si une solution ne vous convient pas, il faut le dire clairement.
- Choisir la solution la plus acceptable : ne pas considérer une solution comme finale et impossible à modifier (sinon on n'en accepterait aucune). S'assurer ensuite que chacun a bien compris qu'il s'engage à appliquer la décision.
- Établir les moyens d'appliquer la solution : qui fera quoi à quel moment, quand commencer...Au besoin faire un petit planning, une petite fiche récapitulative.
- Réviser et évaluer à nouveau la décision : vérifier -au bout de quelques temps- si l'enfant est toujours satisfait de la décision. Réajuster la décision si l'enfant ou vous-même la trouve trop difficile et/ou inapplicable et/ou finalement injuste pour une des parties.
Bien évidemment, la méthode
"gagnant-gagnant" n'est pas une méthode miracle, il y aura forcément
des ratés et des conflits qui resteront à jamais irrésolus. Le chapitre
14 aborde ce dernier point de façon très simple : certains problèmes
appartiennent aux parents (dans ce cas il y a nécessité de "régler le
conflit") et certains problèmes n'appartiennent pas aux parents et n'ont
aucune incidence directe sur leur vie (il n'y a donc à proprement
parler aucun conflit ; le parent doit "accepter" la situation). Je ne
rentre pas dans les détails mais c'est une bonne leçon de
"lâcher-prise"...
Le quinzième chapitre s'intitule "Les parents peuvent éviter les conflits en se transformant eux-mêmes".
Y sont abordées nos valeurs, nos croyances, la façon dont nous
concevons la parentalité (à qui appartiennent les enfants ?) mais aussi
notre relation avec notre conjoint(e) et nos habitudes.
Le seizième chapitre enfin parle des "autres parents de vos enfants",
autrement dit toutes les personnes qui vont à un moment donné avoir
"autorité" sur vos enfants : les grands-parents, les professeurs, les
moniteurs, etc.
Pour conclure...
Si tant de parents lisent ce livre, s'il fait partie des best-sellers
des livres sur l'éducation bienveillante, si tant de blogueuses
en parlent, c'est bien que ce livre vaut la peine. Au-delà des aspects
purement "concrets" (comment utiliser l'écoute active, les messages-je,
la méthode sans perdant...) ce livre offre une toute nouvelle vision de
la relation parent-enfant. Il permet de découvrir une nouvelle parentalité
(positive, non-violente...peu importe le nom qu'on lui donne) et une
nouvelle façon d'appréhender l'enfant. C'est un livre qui restera
toujours à côté de moi, dans lequel je replongerai, et surtout que je
conseille (et conseillerai) à tous les parents ou futurs parents qui
m'entourent. Donc à vous.